Années 60 : les débuts du droit de grève dans les services publics
Jusqu’à l’adoption du Code du travail en 1964, le régime des relations du travail dans les secteurs public et parapublic québécois est encadré depuis vingt ans par une loi qui interdit la grève et institue un régime d’arbitrage obligatoire et exécutoire quand les parties ne peuvent s’entendre.
Dans l’effervescence du début des années 60, le mouvement de syndicalisation progresse rapidement chez les employés des services publics. C’est le cas pour le personnel des hôpitaux québécois, suite à l’adoption de la Loi de l’assurance hospitalisation de 1961, qui augmente le nombre de patients et doublera celui des employés en dix ans. L’État assume peu à peu le contrôle de ce secteur jusqu’alors dominé par les communautés religieuses. L’extension rapide du réseau scolaire favorise également la montée du nombre de syndiqués dans l’enseignement. Il en va de même dans la fonction publique qui voit ses effectifs augmenter en raison des responsabilités nouvelles assumées par l’État. Au niveau municipal, la syndicalisation des fonctionnaires municipaux s’amorce à Montréal en 1961 et s’étend bientôt à tout le Québec.
Déjà, au début des années 60, des grèves illégales ont lieu dans les hôpitaux et les maisons d’enseignement. De plus, les pressions des syndicats sur le gouvernement du Québec afin qu’il améliore le sort des employés des services publics sont de plus en plus fermes. C’est ainsi que le Code du travail, voté par le gouvernement Lesage en septembre 1964, reconnaît pour la première fois le droit de grève dans les services publics québécois, à l’exception des pompiers, policiers et agents de la paix. L’année suivante, la Loi 15 précise ce droit dans le secteur de l’enseignement. Quelques mois plus tard, une autre loi reconnaît le droit d’association, de négociation et de grève pour les fonctionnaires.
Très tôt après l’adoption du Code du travail, survient la première ronde de négociations dans les services publics. Elle sera marquée par des luttes de grande ampleur. À cette époque, il n’y a pas encore de Front commun intersyndical et les négociations sont décentralisées et se déroulent à divers niveaux (État, organismes, commissions scolaires, hôpitaux, etc.). Ce sont les 4 000 employés de la Régie des alcools qui ouvrent le bal en décembre 1964 par une grève de deux mois et demi. Ils seront suivis en 1965 par les ingénieurs et les gens de métiers d’Hydro-Québec. La première grève légale dans l’enseignement survient, quant à elle, en janvier 1966. En mars, une grève de 25 000 fonctionnaires provinciaux est évitée de justesse. Quant aux 32 500 travailleurs de 125 hôpitaux, ils obtiennent une grande victoire en août après avoir fait la grève durant trois semaines et défié des injonctions. Cette première ronde de négociations se termine en février 1967 par une loi spéciale mettant fin à une grève de 15 000 syndiqués de l’enseignement; leurs conventions collectives sont prolongées jusqu’en juin 1968 et leur droit de grève est suspendu jusqu’à cette date.