L’arbitrage de différends
Il arrive, malgré la promptitude et la bonne foi qu’elles doivent démontrer dans une négociation et l’aide dont elles peuvent bénéficier dans le cadre d’un exercice de conciliation, que les parties ne réussissent pas à s’entendre sur le contenu de la convention collective. Le Code du travail prévoit la possibilité que le différend soit alors soumis à l’arbitrage. L’arbitre qui entendra la cause aura le pouvoir de rendre une sentence arbitrale ayant, en pratique, les mêmes effets qu’une convention collective, même si elle ne peut s’appeler ainsi parce qu’elle n’a pas été négociée dans son ensemble. Cette sentence couvrira les mêmes conditions de travail qu’une convention collective.
Les deux grands types d’arbitrage de différends prévus au Code du travail sont l’arbitrage lors de la négociation d’une première convention collective et l’arbitrage lors du renouvellement d’une convention collective.
Ce chapitre ne s’applique pas aux négociations collectives dans le secteur municipal tel que défini par la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal.
Un désaccord entre les parties à la table de négociation peut se dénouer autrement que par des moyens de pression. Il est en effet possible de recourir à l’intervention d’un tiers : l’arbitre de différends.
La définition de l’arbitrage de différends
Qu’est-ce qu’un différend?
Un différend est constaté lorsque des parties n’arrivent pas à s’entendre au cours de la négociation d’une première convention collective, du processus de renouvellement d’une convention ou de la révision d’une convention par les parties (si une clause de la convention permet une telle révision). Ce différend peut porter sur l’ensemble ou sur une partie seulement de la convention collective.
L’arbitrage visant la conclusion d’une première convention collective
Qu’arrive-t-il en cas d’impossibilité d’entente entre un syndicat et un employeur au moment des négociations visant la conclusion d’une première convention collective?
Il y a d’abord une phase obligatoire de conciliation qui, si elle se révèle infructueuse, peut déboucher sur une demande d’arbitrage adressée par écrit au ministre responsable de l’application du Code du travail par une seule ou les deux parties. La partie qui demande l’arbitrage au ministre doit transmettre en même temps une copie de sa demande à l’autre partie [art. 93.1 et 93.2].
Que se passe-t-il une fois la demande d’arbitrage acheminée au ministre responsable de l’application du Code du travail?
Si le ministre est d’avis que l’intervention du conciliateur s’est révélée infructueuse, il peut charger un arbitre de tenter de régler le différend. Les parties disposeront alors de 10 jours pour choisir un arbitre.
Dans un premier temps, l’arbitre alors nommé doit décider s’il déterminera ou non par sentence arbitrale le contenu de cette première convention collective. Il prendra sa décision en évaluant notamment l’ampleur du désaccord entre les parties. Si l’arbitre nommé considère qu’il est improbable que celles-ci puissent en arriver à la conclusion d’une convention collective dans un délai raisonnable, il avise alors les parties et le ministre de sa décision de trancher le conflit par un arbitrage [art. 93.4].
Qui choisit l’arbitre qui assumera l’arbitrage visant la conclusion d’une première convention collective?
Si le ministre responsable de l’application du Code du travail décide de déférer le différend à l’arbitrage, les parties disposent alors de 10 jours pour choisir un arbitre. À défaut d’entente entre les parties, le choix de l’arbitre est fait par le ministre à partir d’une liste dressée annuellement [art. 77].
Lors de l’arbitrage visant la conclusion d’une première convention collective, quels sont les critères dont un arbitre peut tenir compte dans sa sentence?
L’arbitre doit rendre sa décision en toute équité et justice [art. 79].
L’arbitre peut notamment tenir compte des conditions de travail applicables dans des entreprises semblables et celles visant les autres salariés de l’entreprise [art. 79]. Par ailleurs, il doit prendre en considération toute entente entre les parties (voir la question B-6 du chapitre IV).
Qui assume les honoraires de l’arbitre et les frais d’un arbitrage visant la conclusion d’une première convention collective?
Les coûts sont assumés par le ministre responsable de l’application du Code du travail [art. 19 du Règlement sur la rémunération des arbitres, RLRQ, chapitre C-27, r. 6].
Qu’arrive-t-il en cas d’entente sur certains points pendant le processus d’arbitrage visant la conclusion d’une première convention collective?
Les parties peuvent à tout moment s’entendre sur l’une des questions faisant l’objet d’un litige. L’arbitre doit alors inscrire le contenu de cette entente dans sa décision [art. 93.7].
L’arbitrage visant le renouvellement d’une convention collective
En cas d’impossibilité d’entente entre le syndicat et l’employeur pendant les négociations relatives au renouvellement d’une convention collective, peut-il y avoir arbitrage du différend?
Les parties peuvent, d’un commun accord, soumettre leur différend à un arbitre, qui rendra ensuite une décision ayant valeur de convention collective. Il est à signaler que, contrairement à ce qui se passe lors de l’arbitrage d’une première convention collective, la conciliation préalable ne constitue pas ici une étape obligatoire pour que le différend soit soumis à l’arbitrage.
L’arbitrage en vue du renouvellement d’une convention collective a-t-il lieu automatiquement dès qu’une demande conjointe à cet effet est déposée?
Sous réserve d’un recours devant le Tribunal administratif du travail (révocation d’accréditation, suspension des négociations), si une demande conjointe à cet effet est déposée, le renvoi à l’arbitrage par le ministre responsable de l’application du Code du travail est automatique [art. 75].
Comment effectuer une demande pour la nomination d’un arbitre?
Il faut que les parties adressent par écrit une demande d’arbitrage au ministre responsable de l’application du Code du travail, qui déférera ensuite le différend à l’arbitrage [art. 74 et 75].
Qui choisit l’arbitre qui assumera l’arbitrage visant le renouvellement d’une convention collective?
Une fois le différend soumis à l’arbitrage par le ministre responsable de l’application du Code du travail, les parties disposent de 10 jours pour choisir un arbitre. À défaut d’entente entre les parties, le ministre désignera l’arbitre à partir d’une liste dressée annuellement [art. 77].
Lors de l’arbitrage visant le renouvellement d’une convention collective, quels sont les critères dont un arbitre peut tenir compte dans sa sentence?
Il doit rendre sa décision en toute équité et justice.
L’arbitre peut notamment tenir compte des conditions de travail applicables dans des entreprises semblables et de celles visant les autres salariés de l’entreprise [art. 79].
Qui paie les honoraires de l’arbitre et assume les frais d’un arbitrage visant le renouvellement d’une convention collective?
Peu importe le mode de nomination de l’arbitre, les parties assument ces coûts conjointement et en parts égales [art. 19 du Règlement sur la rémunération des arbitres, RLRQ, chapitre C-27, r. 6].
Quels sont les honoraires de l’arbitre?
Si le choix de l’arbitre est celui des parties, les honoraires seront ceux indiqués dans la déclaration annuelle de cet arbitre au ministre responsable de l’application du Code du travail. À défaut d’une telle déclaration ou si les parties ne s’entendent pas sur la désignation de l’arbitre, qui doit alors être nommé par le ministre, les honoraires seront ceux prévus au Règlement sur la rémunération des arbitres. Le Règlement prévoit également diverses dispositions d’ordre pécuniaire concernant, par exemple, les frais en cas de remise, de désistement ou de déplacement et le nombre d’heures pour lesquelles des honoraires peuvent être réclamés pour la rédaction de la sentence et les frais de déplacement.
Les dispositions communes aux différents types d’arbitrage de différends
La décision d’arbitrer un différend peut-elle compromettre les droits de grève et de lock-out?
Dans le contexte de la négociation d’une première convention collective [art. 93.5], le recours à la grève ou au lock-out est interdit dès que l’arbitre informe les parties et le ministre responsable de l’application du Code du travail qu’il a jugé nécessaire de déterminer le contenu de la convention collective pour régler le différend [art. 93.5].
Dans le contexte du renouvellement d’une convention collective [art. 75], le recours à la grève ou au lock-out est interdit dès que le ministre décide de soumettre le différend à l’arbitrage après avoir reçu des parties une demande conjointe d’arbitrage [art. 58].
Quelle est la procédure d’arbitrage d’un différend?
La procédure et le mode selon lesquels la preuve sera produite sont ceux que l’arbitre juge appropriés. Il doit éviter tout délai injustifié dans le processus [art. 81].
Est-ce que l’arbitre agit seul?
À moins d’une entente contraire conclue entre les parties dans les 15 jours de la nomination de l’arbitre, celui-ci procédera à l’arbitrage avec des assesseurs.
Un assesseur est une personne désignée par une partie pour l’assister et la représenter au cours de l’audition du différend et du délibéré [art. 78].
De quel délai dispose l’arbitre pour rendre sa sentence arbitrale?
En principe, l’arbitre doit rendre sa sentence dans les 60 jours suivant la fin de la dernière séance d’arbitrage [art. 90]. Ce délai peut toutefois être prolongé par le ministre responsable de l’application du Code du travail.
Quelle est la durée de la sentence arbitrale d’un différend?
Elle est d’une durée d’une à trois années [art. 92].
Quel est l’effet de la sentence arbitrale d’un différend?
Elle a le même effet qu’une convention collective signée entre les parties [art. 93].
La sentence arbitrale d’un différend peut-elle être modifiée, révisée ou rectifiée?
Comme la sentence arbitrale d’un différend a le même effet qu’une convention collective, elle peut être modifiée ou révisée par une entente entre les parties, comme le serait une convention collective. De plus, l’arbitre peut corriger toute erreur d’écriture ou de calcul qu’il a faite dans sa décision [art. 91.1].